Retour sur notre Congrès 2024
En attendant notre prochain congrès qui aura lieu à Marseille le 6 décembre 2025
Retrouvez les photos et supports d'interventions du Congrès Autisme France du 16 novembre 2024
Discours d’ouverture de Danièle Langloys, présidente d'Autisme France
M. Christophe et Mme Parmentier-Lecocq étant réquisitionnés pour d’autres tâches, ils ne sont pas présents aujourd’hui mais M. Christophe vous envoie une petite vidéo. Je remercie de sa présence M. Pot, le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les TND.
Parents militants et professionnels engagés à nos côtés, personnes autistes, amis de notre cause, bienvenue au congrès d’Autisme France 2024. J’en profite pour remercier tous les militants de nos associations locales : sans leur mobilisation et leur travail sans relâche, notre association ne serait pas grand-chose. Je remercie aussi chaleureusement l’équipe de notre secrétariat qui a assuré de bout en bout la logistique du congrès.
J’aimerais remercier tout particulièrement Son Excellence l’Ambassadeur du Qatar et son épouse qui nous font l’honneur de leur présence ce matin. J’ai trois autres raisons de les remercier : ils nous ont aidés à financer ce congrès, le Qatar donne l’exemple de la bientraitance organisée au plus haut niveau pour les personnes autistes et leurs familles, et a fait aboutir à l’ONU la création de la journée mondiale de l’autisme en 2007 : au moins un acquis que la dilution dramatique en France du TSA dans les TND ne fera pas disparaître.

Nos congrès ont toujours lieu en fin d’année, ce qui permet de faire le bilan de l’année écoulée.
Cette année 2024 se termine comme les précédentes avec beaucoup de déception. Nous avons fêté cette année les 35 ans de notre association, enfin fêté n’est pas vraiment le mot qui convient. La nouvelle stratégie, sortie depuis un an et avec beaucoup de retard, où le mot autisme a disparu, ne correspond ni à nos attentes ni à nos combats depuis 35 ans.
Le premier plan autisme était né de la condamnation de la France en 2004 par le Conseil de l’Europe pour violation de la charte sociale européenne et discrimination à l’égard des personnes autistes : cette condamnation en est à sa huitième version, puisque les problèmes de fond, diagnostic, scolarisation, éducation, formation professionnelle, n’ont pas été réglés, sauf à la marge. Et ne parlons pas de la formation des professionnels, sujet tabou et en rade, ou du soutien aux familles, très insuffisant.
Même si les personnes avec d’autres troubles doivent avoir les réponses qu’elles attendent, il n’est pas entendable de mettre sur le même plan des enfants avec des troubles des apprentissages et une personne autiste avec des troubles sévères. Personne n’a compris en 2023 ce qui relevait de l’autisme et encore moins quels financements allaient avec cette présentation floue, sans objectifs, sans indicateurs, sans leviers d’action, enfin tout ce qui doit figurer dans un plan de santé publique. En 2024, je refais le même constat. Nous n’avons toujours pas compris comment la fameuse transformation de l’offre, concept non défini, va s’appliquer à l’autisme : nous avons donc fait un document sur ce sujet qui fait toujours l’objet d’une mission IGAS en cours.
Nous avions demandé à notre congrès de 2023 à Toulouse d’infléchir le contenu de la stratégie pour enfin commencer à répondre aux besoins des personnes autistes : diagnostic fonctionnel à tous les âges, services d’intervention précoce, scolarisation effective de tous les enfants autistes, refonte totale des formations initiales des professionnels et financement des formations spécifiques, avec une reconnaissance en termes de diplômes et de salaires des professionnels experts, contrôle de la qualité des HP et ESMS et sanction de ceux qui sont maltraitants, reconnaissance et financement à la hauteur des besoins de ceux qui mettent en œuvre avec exigence et compétence les interventions scientifiquement validées. Et une alerte maximale pour les adultes qui de nouveau n’ont rien. Pas de diagnostic, pas de suite aux interventions financées par l’AEEH (cela se saurait si on n’était plus autiste à 20 ans), pas de lieux de vie, pas de services de soutien à leur autonomie, pas de réelle politique de l’emploi accompagné, et même remarque pour l’habitat accompagné (alors que les projets associatifs existent mais ne sont pas financés). Nous en sommes au même point en 2024 avec une aggravation des listes d’attente en établissements et services.
Je reviens sur les adultes, de nouveau oubliés dans cette pseudo-stratégie : le diagnostic est toujours largement absent, le repérage prévu en ESMS et HP a un peu avancé mais l’aval n’est pas pensé ni financé : à quoi bon repérer si on ne fait pas les évaluations fonctionnelles nécessaires et qu’on ne modifie pas les interventions pratiquées dans les HP et ESMS ? Nos interlocuteurs publics se servent du comité des droits de l’ONU pour refuser toute ouverture d’établissement, alors que la convention ONU ne dit rien de tel. Elle demande que la France respecte la liberté et les droits des personnes, et ouvre les services de proximité nécessaires. Nous demandons tous depuis toujours de petites unités de vie pour les plus dépendants, mais il faudra bien financer les professionnels et les compétences nécessaires. Il est tout à fait exact qu’un bon nombre d’adultes pourraient très bien vivre en milieu ordinaire si était pensé et financé le soutien à l’autonomie pérenne nécessaire ; malheureusement, il est quasi inexistant. On brandit l’adjectif inclusif à tout-va pour se dispenser de réfléchir aux conditions qui rendraient cette inclusion possible.
Nous n’avons pas vraiment avancé sur le suivi de la qualité : la HAS a imposé un référentiel généraliste pour l’ensemble du champ social et médico-social, en refusant de rendre opposable le respect des recommandations de bonnes pratiques, que pourtant elle construit : l’article 312-8 du CASF prévoit l’équivalence de la certification et de l’évaluation : nous attendons toujours la sortie d’un décret en ce sens ; à quoi bon mettre le soutien aux certifications dans la stratégie si derrière il n’y a pas de levier d’action ? Nous attendons toujours que sortent tous les décrets d’application de la loi du 7 février 2022 qui a inscrit la maltraitance dans un de ses articles et saluons la sortie du décret du 29 février 2024 qui réforme le projet d’établissement pour y inscrire le projet d’établissement et le respect des recommandations de bonnes pratiques : une petite révolution, à l’œuvre aussi dans les PCO : la position de la HAS qui ne fait pas des recommandations des critères d’évaluation de la qualité est d’autant plus incompréhensible.
C’est à ces remarques, craintes et souhaits que vont répondre les intervenants qui honorent de leur présence notre congrès 2024. Nous avons fait le choix de revenir au principe fondamental pour nous que l’autisme et un trouble spécifique, auquel il faut répondre par des interventions et une politique publique nationale spécifiques. Merci à eux tous d’avoir relevé le défi.
Plus généralement, je refais tous les ans la même demande : quel recours officiel pour les familles, avec l’aide de professionnels bien formés, pour tous les cas de discrimination, d’exclusion, d’absence de solution, de maltraitance, de dénonciation ? L’alliance des familles et des professionnels que nous défendons dans tous les congrès, est au cœur de cette demande. Je leur rends hommage à tous, professionnels courageux jusqu’à se prendre des coups et soucieux d’être toujours plus performants, familles trop souvent isolées, épuisées, parfois héroïques, qui vous soutenez dans les associations et sur les réseaux sociaux avec une immense solidarité.
Monsieur Le Ministre, Madame la Ministre, vous m’avez reçue tous les deux il y a peu de temps. Vous êtes sérieux et engagés, vous avez pris note de toutes nos demandes. Vu le temps imparti, je n’ai pas pu tout dire (le reste était dans nos documents en ligne) mais j’ai insisté sur la reconnaissance de la certification autisme, seul outil qui nous permette de faire respecter les recommandations, sur la refonte des formations initiales et continues des professionnels dont nous avons besoin, formations encore totalement à côté de la plaque, pour ne pas dire toxiques, l’intervention précoce, quasi inexistante, alors que tous les intervenants internationaux de la récente Université d’Automne de l’ARAPI, ont mis l’accent sur l’urgente nécessité de la mettre en œuvre, la refonte du guide-barème, obsolète et maltraitant pour les personnes autistes puisqu’il ne reconnaît même pas leur existence. Comme d’habitude, je demande à tous les ministres et aux délégués interministériels de nous rendre un peu d’espoir.
Bon congrès à tous.
Danièle Langloys
