Ouverture de notre congrès
Discours d’ouverture de Danièle Langloys, présidente d'Autisme France
Nos ministres n’étant pas disponibles, je remercie de sa présence M. Pot, le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les TND.
Je remercie aussi chaleureusement de leur présence Madame Elise BARALE-BENAC, Adjointe au Maire du 2ème Secteur en charge de l'état-civil, du service technique, de la santé et du handicap qui représente Monsieur le maire de Marseille, et Monsieur Sylvain DI GIOVANNI qui représente Madame la Présidente du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône.
Parents militants et professionnels engagés à nos côtés, personnes autistes, amis de notre cause, bienvenue au congrès d’Autisme France 2025. J’en profite pour remercier tous les militants de nos associations locales : sans leur mobilisation et leur travail sans relâche, notre association ne serait pas grand-chose. Je remercie aussi chaleureusement l’équipe de notre secrétariat qui a assuré de bout en bout la logistique du congrès.
Cette année 2025 se termine avec un haut-le-cœur. Une courageuse sénatrice a voulu défendre le respect des recommandations de bonnes pratiques et réserver le financement public avec l’argent du contribuable aux seules interventions validées par ces recommandations. La levée de boucliers des psychanalystes qui s’estiment propriétaires du soutien psychologique et récusent les interventions éducatives scientifiquement validées nous a fait très mal, car elle était dirigée contre les personnes, les familles, les professionnels qui défendent depuis longtemps les recommandations. La psychanalyse n’est pas notre combat, chacun est libre de ses croyances en France, nous demandons seulement qu’elle soit réservée à des adultes consentants et éclairés, et pas imposée par la force à des enfants et adultes vulnérables qui ne peuvent pas en comprendre, pour un grand nombre d’entre eux, les objectifs, en culpabilisant les familles au passage, les mères tout spécialement. On croit toujours qu’on va sortir du Moyen-Age et on n’y arrive jamais, c’est tellement triste.
Nous avons fêté cette année les 36 ans de notre association, enfin fêté n’est pas vraiment le mot qui convient. La nouvelle stratégie, sortie depuis un an et avec beaucoup de retard, où le mot autisme a disparu, ne correspond ni à nos attentes ni à nos combats depuis 35 ans.
Nous avions demandé à nos congrès de 2023 et 2024 d’infléchir le contenu de la stratégie pour enfin commencer à répondre aux besoins des personnes autistes :
- diagnostic fonctionnel à tous les âges,
- services d’intervention précoce,
- scolarisation effective de tous les enfants autistes,
- refonte totale des formations initiales des professionnels et financement des formations spécifiques, avec une reconnaissance en termes de diplômes et de salaires des professionnels experts,
- contrôle de la qualité des HP et ESMS et sanction de ceux qui sont maltraitants,
- reconnaissance et financement à la hauteur des besoins de ceux qui mettent en œuvre avec exigence et compétence les interventions scientifiquement validées.
- Et une alerte maximale pour les adultes qui n’ont aucune solution. Dans mon tout petit département, 150 jeunes adultes autistes en amendement Creton, et en face, l’ouverture programmée de 7 places de MAS. C’est aussi dérisoire que pathétique.
- Un observatoire des besoins des personnes autistes et des réponses à y apporter est une urgence absolue.
Et qu’on ne vienne pas nous dire comme on me l’a dit, qu’il suffit de créer quelques solutions de répit (répit veut dire pause entre deux épisodes pénibles, inutile de commenter) : j’avais répondu sèchement à la représentante de l’ARS que je n’avais pas noté chez les parents de personnes autistes une dérogation à notre commune condition de mortels. Il faut donc bien ouvrir pour les personnes dépendantes les lieux de vie dignes et bien encadrés qui leur seront nécessaires jusqu’à la fin de leur vie.
Je reviens sur les adultes, de nouveau oubliés dans cette stratégie : le diagnostic est toujours largement absent, le repérage prévu en ESMS et HP a un peu avancé, et je salue l’engagement du GNCRA dans ce chantier, mais l’aval n’est pas pensé ni financé : à quoi bon repérer si on ne fait pas les évaluations fonctionnelles nécessaires et qu’on ne modifie pas les interventions pratiquées dans les HP et ESMS ?
Nous n’avons pas vraiment avancé sur le suivi de la qualité : la HAS a imposé un référentiel généraliste pour l’ensemble du champ social et médico-social, en refusant de rendre opposable le respect des recommandations de bonnes pratiques, que pourtant elle construit. Nous saluons la sortie du décret du 29 février 2024 qui réforme le projet d’établissement pour y inscrire le projet d’établissement et le respect des recommandations de bonnes pratiques : un établissement doit définir le public accueilli (encore faut-il poser un diagnostic fonctionnel), construire un plan de lutte contre la maltraitance, un plan de formation dans le respect des recommandations. C’est écrit.
Nous nous accrochons aux avancées : les recommandations font leur chemin dans les textes réglementaires, mais comment vérifier leur contrôle ? Des professionnels de plus en plus nombreux cherchent à acquérir des connaissances actualisées, les parents sont de mieux en mieux formés, les adultes en situation très complexe bénéficient de l’investissement de la délégation dans la refonte du cahier des charges des URTSA, à laquelle notre association participe, les UEMA et UEEA continuent leur chemin, mais les points noirs nous inquiètent : les dispositifs sont en nombre insuffisant et ils cessent à la fin de l’école élémentaire : beaucoup d’enfants autistes sont sans solution à 11 ans, et les IME sont totalement saturés. Et nous manquons cruellement de professionnels formés : il y a quelques années, on disait qu’il manquait 20 000 psychologues du développement, la situation a empiré.
C’est à ces remarques, craintes et souhaits que vont répondre les intervenants qui honorent de leur présence notre congrès 2025, avec les thématiques que nous leur avons confiées et qu’ils ont accepté de traiter. Nous savons tous depuis bien longtemps qu’on n’est rarement qu’autiste, et ce sont les troubles associés qui ont orienté la construction de ce congrès.
L’alliance des familles et des professionnels que nous défendons dans tous les congrès, est au cœur de ce congrès comme de tous les congrès d’Autisme France depuis qu’ils existent. Le GNCRA dans ses journées inter-CRA le 27 novembre dernier m’avait honorée d’une demande d’intervention : j’ai donc salué une fois de plus l’engagement des CRA au service des personnes et des familles, souligné leur compétence ancienne dans tous les TND associés à l’autisme, et insisté sur l’impérieuse nécessité de garantir la pérennité et les moyens des CRA et du GNCRA.
Etienne, puisque tu es là, je ne peux pas te reprocher la stratégie en cours : tu ne l’as pas construite, comme tu le rappelles. Je te remercie pour ton engagement sans faille dans le combat pour l’opposabilité des recommandations, et la refonte des formations. Tu t’es battu pour que les nouveaux référentiels en travail social niveau 6 (donc les éducateurs spécialisés) mentionnent le respect des recommandations de bonnes pratiques.
Cependant, cette stratégie quasi sans financement propre (l’argent est allé aux 50 000 solutions vendues en grande pompe alors que le plan est largement vide) ne sert pas la cause de l’autisme dont une récente directive européenne dit qu’il ne faut pas la noyer dans une autre politique publique.
Nous n’avons rien obtenu pour la refonte des formations initiales et continues, rien pour l’intervention précoce avant 18 mois, rien pour l’évaluation de la qualité et son contrôle rigoureux. Ces chantiers qui n’ont jamais été ouverts et conditionnent l’avenir ont un coût, nous le savons, mais fabriquer par dizaines de milliers de grands handicapés dont on aurait pu réduire au moins partiellement la sévérité du handicap, a un coût infiniment plus élevé.
L’autisme est un problème de courage politique, mais c’est aussi un problème médico-économique.
Bon congrès à tous.
Danièle Langloys
